j’ai appris, au fil des heures, à découvrir une partie de son originalité. Joni Mitchell et son oeuvre, c’est pour moi l’histoire d’une émancipation. Dès les premières écoutes, la liberté m’est apparue comme une qualité prévalante de sa musique.
J’ai écouté avec bonheur une bonne partie des ses albums des années 60 et 70 et ses deux derniers Travelogue et Shine. Elle s’illustre par des compositions qui s’articulent principalement autour de son chant. Elle incarne ses émotions, ses sentiments dans sa voix, avec une prédilection affirmée pour toucher l’universel. Elle chante l’amour, le désir, la tristesse, en peignant avec des mots la couleur de toutes ses émotions. Mais le sens est tellement bien représenté par sa manière de chanter qu’il n’est pas besoin de comprendre l’anglais pour adhérer à l’émotion qu’elle exprime. Les paroles précisent le contexte de la naissance de telle émotion, mais sa poésie apparaît déjà immense dans la simple musique de sa voix.
Cette force de l’expression émotionnelle est si présente chez Joni Mitchell, que ses compositions gravitent presque essentiellement autour de cette voix si particulière, qui change de rythme allègrement, suivant le ressenti qu’elle transmet. Cette exigence imprime à ses chansons une grande liberté. Ainsi il n’est pas si surprenant que des ballades folk qu’elle chantait sur ses premiers albums, elle ait progressivement enrichie sa grammaire musicale et son vocabulaire mélodique en flirtant avec le rock, puis le jazz, style libre par excellence.
Il me semble que pour répondre à son exigence de fidélité à la transmission des émotions et des sentiments qui l’animent, elle n’avait pas d’autre choix que de s’émanciper d’une identité musicale folk, si mélodieuse soit-elle, qui ne lui offrait pas toute la palette expressive souhaitée. Cette exigence, elle l’a payé en tant qu’artiste, puisque ses métamorphoses l’ont éloigné des attentes de son public en lui interdisant, pour un temps, de trouver de nouvelles oreilles qui s’intéressent à la forme en mutation constante de sa créativité. J’ai lu que durant les années 80, elle s’était surtout consacrée à la peinture.
Mais l’évolution musicale qu’elle imprime à ses albums entre 1968 et 1979 est rapide et, avec le recul, incroyablement pertinente. Jamais elle ne s’éloigne de son propos d’artiste: être un relais qui, par son art (ici la chanson), aide chacun de ses contemporains à entrer en contact avec ses émotions intimes, et y découvrir une beauté réconciliante. Joni Mitchell offre cela à ceux qui prennent le temps de prêter attention à son oeuvre.