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Mercredi, novembre 12th, 2014 | Author: Pierre

François Jean Meyer est né le 4 juillet 1912 à Lausanne en Suisse et décédé le 21 février 2004. Il fut professeur de lettre et doyen à la faculté de lettre de l’université d’Aix-en-Provence. Il a influencé René Passet. Il s’est particulièrement intéressé à la notion d’évolution en s’inscrivant, comme Passet (au moins au départ) dans la perspective ouverte par Teilhard de Chardin d’une évolution complexifiante de la matière à la vie, puis à l’esprit. Il a travaillé notamment sur la notion de seuils que Passet explorera aussi dans son approche de l’économie de développement.

Bibliographie:

1947, L’accélération évolutive: essai sur le rythme évolutif et son interprétation quantique, Librairie des sciences et des arts, 67p (notice ici).

1948, La pensée de Bergson, Bordas, 124p.

1952, “Un essai récent de bio-cosmologie”, Extrait des Annales Universitatis Saraviensis. Philosophie-Lettres. I. 1.

1954, Problématique de l’évolution, Université de Paris (thèse), 284p.

1954, Problématique de l’évolution, PUF, 284p.

1955, L’ontologie de Miguel de Unamuno, Université de Paris (thèse), 136p.

1955, L’ontologie de Miguel de Unamuno, PUF, 133p.

1956, La pensée de Bergson, Bordas (3ème édition).

1963, Teilhard et les grandes dérives du monde vivant, Éditions universitaires, 64p (notice ici).

1964, La pensée de Bergson, Bordas (4ème édition), 124p.

1967, “Situation épistémologique de la biologie”, in Piaget (Jean) dir., Logique et connaissance scientifique, pp. 781-821, Gallimard, coll. Encyclopédie de la pléiade, n°22.

1971, La pensée de Bergson, Bordas (5ème édition).

1974, La surchauffe de la croissance: essai sur la dynamique de l’évolution, Fayard, 140p (notice ici).

Collectif, 1983, Hommage à François Meyer, Publications de l’Université de Provence, 191p. (Notice ici)

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Mercredi, janvier 19th, 2011 | Author: Pierre

Voici un petit montage de courtes ballades crépusculaires vécues entre décembre et janvier, sur une musique de Joe Hisaichi.

Ressourcement entre la nature omniprésente et ses excroissances humaines, lorsque l’activité extérieure ne s’est pas encore déployée ou bien se résorbe…

Lumières nocturnes, îlots de fragilité, où la vulnérabilité de notre présence au monde se le dispute à sa grâce…

Regard émerveillé d’enfance, toujours en quête de sens

Intimité partagée et pourtant incommunicable

Miroir d’un regard dans la multiplicité de ses formes, singulier et universel

Dire merci à la mélodie de ces présences qui dissolvent l’orgueil, qui rayonnent de potentialités…

Silence des mouvements et regards saturés d’espace

Mardi, janvier 18th, 2011 | Author: Pierre

Pour toutes les personnes désireuses de mieux comprendre le monde dans lequel nous vivons, la collection “Atlas” chez Autrement est une mine de représentations aussi précieuses que le sont les analyses développées par les spécialistes qui s’y consacrent. Pour ma part, j’apprécie beaucoup la complémentarité entre les textes synthétiques et les illustrations, cartes, graphiques et cartogrammes qui parlent à l’intelligence analytique et visuelle de notre esprit. Pour mémoire, rappelons que la collection “Atlas” rassemblent des titres en histoire, en économie, en démographie, sur les guerres, en sociologie, etc…

Sans doute latlas le plus innovant visuellement paru ces dernières années

Sans doute l'atlas le plus innovant visuellement paru ces dernières années

Si la qualité de cette collection ne fait aucun doute tant elle est utilisée aussi bien par des enseignants du supérieur et du secondaire, mais également, plus généralement par toute personne désireuse d’appréhender les sujets qu’elle traite, il arrive parfois que d’autres éditeurs produisent un atlas ayant des qualités similaires. On se souvient en particulier de l’incroyable Atlas du monde réel paru chez La Martinière qui cartographiait à l’aide de cartogrammes très parlants, tout un ensemble de données sociologiques et économiques sur des planisphères qui épousaient les proportions des statistiques en question tout en conservant les formes des pays représentés.

Une oeuvre visuellement intelligente et stimulante

Une oeuvre visuellement intelligente et stimulante

Aujourd’hui c’est au tour de Robert Laffont de publier un atlas qui fera date. Sous la direction de Virginie Raisson, cet éditeur dont le fondateur nous a récemment quitté, publie l’Atlas des futurs du monde. Articulé en trois parties, cet Atlas propose d’appréhender à partir de nos modes de vie actuels, les scénarios qui se dessinent et pourraient émerger dans une vingtaine d’années. Issu de réflexions géographiques, géopolitiques, économiques, l’atlas analyse d’abord la manière dont les populations du globe se comportent et se répartissent à travers la démographie, les flux migratoires et les processus d’urbanisation, puis il s’interroge sur les modes de production de l’alimentation et la surpopulation, avant de s’intéresser à la mutation de civilisation que l’humanité commence à connaître en interrogeant nos comportements de consommation d’énergie, les signes d’épuisement qu’ils engendrent et enfin les changements climatiques qui se profilent.

Chaque page correspond à l’étude d’un point particulier, avec en page de gauche une représentation qui illustre le thème en question, un texte de synthèse de quelques lignes qui introduit le lecteur, et en page de droite une analyse synthétique. Des encadrés font des focus sur des points particuliers sur lesquels les auteurs souhaitent attirer l’attention. Enfin, la page de droite est encadrée par une bibliographie qui souligne les sources utilisées et qui permet au lecteur d’approfondir le thème si le cœur lui en dit. Le plus frappant est l’intelligence visuelle que les auteurs ont introduit dans cet atlas. Le lecteur devient un peu cartographe, un peu géographe, les auteurs l’invitent à aiguiser son intelligence visuelle en lui proposant des innovations constantes dans les représentations utilisées. On est ici très loin des sempiternelles cartes que l’on nous présentait en cours de géographie ou d’économie. Très attractives, ces représentations demandent pour être bien comprises, d’apprendre à les lire même si elles ont très souvent un puissant pouvoir évocateur.

Voici donc un livre intelligent mais préoccupant qui nous invite à comprendre le monde d’aujourd’hui et de demain, un livre qui nous invite à choisir intelligemment nos modes de vie et nos préférences politiques en connaissance de cause sur les enjeux à venir.

Mercredi, décembre 01st, 2010 | Author: Pierre

Pierre Carles était présent samedi 27 novembre au Toboggan pour la projection de son dernier documentaire critique sur la télévision, intitulé Fin de concession (2010). Ce film forme avec Pas vu, pas pris (1998) et Enfin pris (2002), une trilogie sur les accointances entre le pouvoir politique et le pouvoir médiatique de la télévision. Dans Fin de concession, Pierre Carles part d’un questionnement très pertinent à propos du renouvellement automatique de la concession de TF1 à Bouygues en 1997, alors que Philippe Léotard, ministre de la culture à l’époque de la privatisation de la chaîne, avait souligné son intention de faire que la concession de la chaîne ne soit pas renouvelée automatiquement, mais soit remise sur le marché de la concurrence, comme une “épée de Damoclès” (l’expression est de lui) pour obliger le propriétaire temporaire de TF1 à une forme d’excellence.

Sans doute, ce qui pousse Pierre Carles à soulever cette question aujourd’hui, question que l’ensemble des journalistes d’investigation ont omis d’aborder, c’est bien évidemment le constat de la détérioration de la qualité des programmes diffusés par la première chaîne. Et Pierre Carles rappelle, au travers d’image d’archives passionnantes, comment Bernard Tapie a “coaché” les partenaires de Bouygues à l’époque. Le n°1 du bâtiment était en concurrence sur ce dossier avec Hachette. On y voit par exemple une représentante du journal “Marie-Claire” apprendre le texte qu’elle récitera au CNCL pour les convaincre de la supériorité de leur dossier sur celui d’Hachette. Bernard Tapie orchestre la manière dont chaque intervenant devra se comporter, quelles intonations il devra prendre, tout ça sous le regard attentif de Francis Bouygues. Toute cette partie du documentaire est passionnante. Pierre Carles montre avec beaucoup de savoir-faire, la façon dont Bouygues a mesuré l’exceptionnelle opportunité qui se présentait à lui, et comment il s’est donné les moyens de la saisir.

Bien sûr, on mesure aussi avec le recul, que le groupe industriel était prêt à tout promettre pour obtenir cette concession et à n’importe quel prix, parce que, comme l’a affirmé Francis Bouygues lui-même, c’est une occasion qui ne se présente pas deux fois. Et il avait raison… Aujourd’hui on mesure néanmoins le fossé (c’est un euphémisme) qui s’est creusé entre le cahier des charges auquel Bouygues s’était engagé à répondre, et la programmation de la chaîne. Pierre Carles rappelle la fameuse phrase de Patrick Le Lay sur l’approche business du métier de TF1 qui consiste à vendre aux annonceurs publicitaires du “temps de cerveau humain disponible”.

Toute cette partie est passionnante et amusante à la fois. Pierre Carles se montre un journaliste d’investigation libre, pertinent et impertinent, il travaille sérieusement pour obtenir des réponses aux questions qu’il se pose, sans pour autant se prendre au sérieux. Il est également surprenant de voir qu’il suscite la sympathie de nombreux confrères très attachés à leur métier d’investigation, même si ceux-ci se méfient des démarches qu’il adopte, comme Elise Lucet par exemple. Et c’est sur ce point où l’enquête m’a finalement le moins convaincu. Redouté par la plupart des journalistes et des hommes de pouvoir bien installés dans leur profession, Pierre Carles peine à obtenir les rendez-vous qu’il souhaite. Bernard Tapie, Jacques Chancel ou Audrey Pulvar repoussent toutes ses tentatives d’approche. Et pour cause, Audrey Pulvar, compagne d’Arnaud Montebourg, filmé et piégé durant le film, tout en ayant apparemment de la sympathie pour la démarche de Pierre Carles et sans doute aussi une certaine admiration pour ses documentaires d’investigation précédents, se méfie de l’image qu’elle pourrait lui offrir et de ce qu’il en fera. Du coup le documentaire perd de sa pertinence parce que ces refus successifs n’accréditent pas forcément la thèse d’un amalgame entre pouvoir et journalisme, mais plutôt le reflet de volontés personnelles:

  • soit de réussir sa carrière ou au moins de ne pas l’infléchir dans un discrédit (Audrey Pulvar),
  • soit de passer une retraite tranquille (Jacques Chancel),
  • soit qu’on lui foute la paix parce que les procès il en a eu suffisamment (Bernard Tapie).

Ici j’ai regretté que Pierre Carles ne lorgne pas plus du côté des travaux de Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot, d’autant que ces deux sociologues travaillent eux-aussi dans le sillage de Pierre Bourdieu, sociologue si proche de Pierre Carles.

Pierre Carles démystifie le pouvoir qu’elle qu’en soit les colorations. Il montre par exemple des images d’archives où l’on voit Jacques Chirac reprocher à François Mitterrand, sous le regard inquiet de Michèle Cotta, d’avoir nommé des hommes  et des femmes à tous les postes clés des médias français. Finalement, la dérive actuelle dans les médias français n’est que la continuation d’une longue histoire. La nouveauté nous disent les Pinçon-Charlot, provient du fait qu’aujourd’hui cette collusion s’affiche beaucoup plus ouvertement. Du coup, comme l’affiche de Fin de concession le montre, c’est plutôt les médias, et ici en l’occurrence TF1, qui regardent le petit Pierre Carles se débattre dans son enquête sans véritablement qu’il puisse nous livrer les clés de cette collusion.

Une affiche à limage du film

Une affiche à l'image du film

Malgré cette frustration dû à l’affaiblissement du questionnement si pertinent de Pierre Carles, affaiblissement dû sans doute aux options d’investigation qu’il a choisi, j’ai été très sensible tant à l’authenticité du documentaire, qu’à son esthétique. Pierre Carles se livre tout au long de cette enquête à de multiples autocritiques. Il livre aussi certains sentiments qui l’animent lorsqu’il avoue par exemple que son souhait consiste parfois à humilier certains protagonistes (ce qui n’est pas très glorieux, ni très pertinent), où lorsque sur le ton de la confession, il nous fait partager avec humour sa sensibilité aux charmes d’Elise Lucet ou Michèle Cotta. Où bien encore, lorsqu’il réalise une fausse interview de Jean-Marie Cavada, à la façon de PPDA, dans laquelle il dit une partie de ce que lui inspire le parcours du présentateur de La marche du siècle. Quant à l’esthétique du film, elle est très réussi parce qu’elle participe au sentiment de proximité que Pierre Carles m’a fait éprouvé: gros plan sur les mains, conversations au téléphone, etc… Pierre Carles invite en quelque sorte le spectateur dans son documentaire, et se faisant l’invite à poursuivre l’investigation.

Il avoue qu’il a tourné ce documentaire, non pas pour éduquer le spectateur, mais pour le bousculer et même parfois pour l’énerver. Quelqu’en soient les défauts, il est important de remercier ceux qui nous réveillent, même si, nous n’en partageons pas toujours les méthodes. Au final, on se sent plus lucide, et le film de Pierre Carles nous offre une qualité rare: le discernement.

Pierre Carles en pleine confrontation

Pierre Carles en pleine confrontation

Jeudi, juillet 29th, 2010 | Author: Pierre

Scabreux, outrancier, visuellement éclectique, telles sont les premières impressions qui m’assaillent après le spectacle d’Abenobashi. Cette série de 5h30, produite par les studios Gainax, rassemble en 13 épisodes les aventures d’Arumi et de Sasshi, deux adolescents qui ont grandi dans le même quartier commerçant appelé Abeno, au sud d’Osaka. C’est le début de l’été et le quartier si prospère il y a encore quelques années, se vide petit à petit de tous ses commerces. Sasshi vit très mal cette désertification. Et le coup de grâce lui est donné lorsqu’Arumi l’informe que son père a décidé de vendre son restaurant et qu’elle déménagera pour la rentrée. A partir de ce préambule où se mêlent nostalgie et promesses d’avenir, l’histoire va connaître une bifurcation importante puisque Arumi et Sasshi découvrent que le quartier est encadré aux quatre points cardinaux par des divinités tutélaires qui ont, semble-t-il, assurées au quartier sa santé et sa prospérité passées. Le jour où accidentellement, le grand-père d’Arumi, en délogeant un chat, brise la statue de l’une des quatre divinités et fait une chute potentiellement mortelle, Arumi et Sasshi se retrouvent entraînés dans des univers parallèles qui correspondent tous à des versions différentes du quartier d’Abeno.

Arumi essaie de remonter le moral de Sasshi suite à lanonce de son déménagement

Arumi essaie de remonter le moral de Sasshi suite à l'annonce de son déménagement

Sasshi dépité par lannonce du déménagement dArumi

Sasshi dépité par l'annonce du déménagement d'Arumi

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Jeudi, juin 10th, 2010 | Author: Pierre

La vie a continué à évoluer au cours des huit prochains millénaires. La nature prenant conscience d’elle-même, n’a plus uniquement placé le fleuron de cette conscience dans l’humain, mais également dans d’autres formes de vie. C’est d’ailleurs ce qu’elle avait toujours fait, mais l’homme, orgueilleux, est le plus souvent passé à coté de ces autres formes de vie intelligentes qui témoignaient pourtant à l’ensemble de la biosphère de précieuses expériences de vie. La nouveauté venait du fait que les prochains millénaires allaient révéler à l’homme ces autres formes de vie, avec lesquelles il se sentirait parfois en concurrence.

Un album magnifique, une vision poétique des possibles

Un album magnifique, une vision poétique des possibles

Tel pourrait être le préambule de la très belle bande-dessinée de Miguelanxo Prado, intitulée Fragments de l’encyclopédie des dauphins, publiée en français en 1988 sous le titre Demain les dauphins. more…

Dimanche, mai 09th, 2010 | Author: Pierre

Depuis plusieurs semaines, mon jardin est laissé en jachère. Si le jardinier s’en est absenté, c’est pour cultiver un autre jardin plus intime, où la végétation est encore en gestation. Parfois le site, ce “jardin public”, en montre des reflets, parfois ce n’est pas possible tout simplement parce que je ne saurais pas en communiquer le contenu sans en déflorer l’essence. Ce jardin intime ressemble alors davantage à l’effervescence vitale qui anime le sous-bois d’une forêt primordiale, qu’au jardin stylisé, oeuvre d’un jardinier aguerrit. Plusieurs projets m’animent quotidiennement depuis de nombreux mois. more…

Lundi, mars 29th, 2010 | Author: Pierre

Odile la rieuse est partie en 1985. Avec les fous-rires qu’elle a suscité, il était difficile de s’imaginer la voir partir si jeune. J’ai évoqué son livre, Moi Odile, la femme à Choron,  dans un précédent article, livre aujourd’hui oublié ayant pourtant suscité plusieurs commentaires, soit de ma famille ou d’amis, soit de journalistes qui préparaient un hommage à Michèle Bernier. Je viens de voir que cet hommage sera diffusé le 10 avril prochain dans l’émission “L’aventure inattendue” présentée par Patrick Sabatier.

Michèle Bernier, enfant

Michèle Bernier, enfant

Et puis Sylvia, la seconde compagne du professeur Choron, m’a écrit un commentaire pour exprimer une partie de la souffrance qui l’envahit depuis la disparition de son amour en janvier 2005. Aujourd’hui, alors que beaucoup de personnes se réclament de l’influence du professeur Choron, le rôle de Sylvia demeure ignoré. Elle a pourtant vécu 20 ans avec lui, en l’accompagnant dans sa tentative de poursuivre l’aventure du colportage de journaux libres et indépendants, affichant la dérision et la provocation. Mais les temps ont changé depuis les années 60 et 70. Sans doute est-il plus dur au cours des années 90 de faire vivre un journal comme La Mouise alors qu’en apparence il semblerait plus facile de nos jours d’exprimer librement toutes les opinions. Sans doute avons nous aussi intériorisé un contrôle plus important de nos pensées. En réalité nous ne sommes pas plus libres de nous exprimer parce qu’aujourd’hui nous sécrétons de l’inquiétude. Et je crois que cette émotion inhibe notre capacité à rire et à nous émerveiller pleinement.

Sylvia a accompagné fidèlement Choron jusqu’à sa dernière toilette pour laquelle, amoureusement, elle l’a habillé de son costume de scène comme en témoigne Delfeil de Ton dans son article “Un hors la loi grandiose” paru dans le Nouvel Observateur du 13 janvier 2005. Les mots de Delteil de Ton, encore tout humide des larmes qu’il a versé à la disparition d’un ami, d’un maître ou tout au moins d’un exemple, imprime toute l’admiration qu’il éprouvait pour ce professeur qui apprend à “désapprendre”: “Choron est né pauvre. Il est mort pauvre. Il a vécu comme un riche. Somptueux, généreux, honnête. Qu’ils aillent prétendre le contraire, les Mozarts qu’il a couvés, à qui il a donné des ailes. Vous connaissez beaucoup de patrons à qui il est arrivé d’habiter dans une cave pendant que ses anciens employés pétaient dans la soie et dans de beaux appartements?”. more…

Samedi, mars 13th, 2010 | Author: Pierre

Après une quinzaine d’années passée à travailler chez Gibert, cette parole a franchi le seuil de mes lèvres pour heurter les tympans d’Agnès. Un tel aveu est sans doute difficile à entendre quand on sait que 70% du chiffre d’affaire est réalisé sur les nouveautés qui paraissent chaque semaine en librairie. Pourtant je crois qu’une partie importante de mon attachement viscéral au Service Achat Occasion, c’est-à-dire l’endroit où les personnes viennent vendre spontanément leurs livres, CD et DVD, vient de cette émancipation du diktat de la nouveauté en librairie.

Aujourd’hui nous avons la chance (depuis les lois de Jules Ferry sur l’école gratuite et obligatoire en 1881, lois qui ont assurées à la fin du Grand Siècle le succès de Gibert) de pouvoir apprendre à lire dès l’école primaire. Cette ouverture est immense, elle permet à chacun d’entrer en relation avec toute la diversité des savoirs et des expériences humaines. Mais cette possibilité, si importante soit-elle, ne signifie pas automatiquement sa réalisation effective. Nous sommes passés en l’espace de quelques siècles de la lecture intensive, lectures axées bien souvent sur les textes contenus dans la Bible dont l’interprétation était soufflée par les prêtres, à une lecture extensive. Aujourd’hui nous lisons de tout, articles, essais, romans, BD, journaux en ligne… Une explosion de créativité qui sature le mode de production de l’écrit que l’humanité connaissait jusqu’alors.

Le seul moyen pour donner rapidement un “sens marchand” à cette surproduction éditoriale consiste à sentir quel vent souffle sur le marché du livre. Sentir la clientèle, sentir sa sensibilité, humer les modes de pensée, les modes tout court, qui animent pour un temps la communauté des hommes, tant dans le domaine vestimentaire que littéraire. Et bien heureusement, lorsqu’on a la chance de rencontrer en amont un travail éditorial de qualité, il est fréquent de voir apparaître sur les bons de commande de nouveautés que nous présentent quotidiennement les représentants, des trésors d’intelligence et d’invention littéraire.

Alors pourquoi ne pas croire à la nouveauté en librairie? Sans doute parce qu’à mon sens nous négligeons le temps de l’assimilation. Lorsqu’il m’arrive de rencontrer une belle oeuvre, parfois un chef-d’oeuvre, j’ai besoin de me trouver dans de bonnes dispositions pour le savourer. Et s’il m’arrive de l’avaler gloutonnement, j’en éprouve par la suite la frustration de ne pas avoir été présent comme il le fallait à la beauté du texte, à sa complexité, tissage intelligent d’idées et d’émotions. Le temps de la production du texte est d’ailleurs lui-même immense. Tolkien a produit Le seigneur des anneaux et l’univers dans lequel ce roman évolue, sur plusieurs décennies. Par quel tour de magie peut-on imaginer pénétrer cette oeuvre en la lisant sur une semaine ou quinze jours? Pour ma part, cela est impossible. C’est comme tomber amoureux, on peut le réaliser instantanément, mais le vivre quotidiennement c’est une autre histoire. L’amour ne se résume pas au flash de la rencontre, ni la rencontre d’une oeuvre à la consommation de son texte.

J’ai réalisé que la plupart des oeuvres qui m’inspire, le font sur longtemps, elles demandent que je m’y plonge à intervalles réguliers. Et je ne parle pas forcément des essais dont la narration s’articule autour des idées plus lentes à assimiler que les sentiments et les émotions suscités par la forme romanesque. Je parle aussi des romans et des narrations picturales qui se sont développées le siècle dernier comme la BD, dont la forme se rapproche tout autant du roman que de la poésie. Lire Jodorowsky signifie me délecter de l’Incal, tout en sachant qu’il croisera encore et encore mon chemin au fur et à mesure de mes maturations successives. Et que dire de Nausicaa de Miyazaki, même après plusieurs lectures attentives, la richesse du récit, l’impact des dessins, leur puissance d’évocation, demeurent un mystère fécondant.

Enfin, ne pas croire à la nouveauté signifie aussi s’émanciper des effets de mode que j’évoquais plus haut. Ce décalage m’est salutaire. Non pas que je me désintéresse de ce qui anime mes semblables, seulement bien souvent les préoccupations médiatisées ne m’apparaissent pas avec l’urgence qu’on voudrait leur donner. Tout est affaire de sens, le sens que l’on donne à son inscription dans le monde: si l’actualité littéraire affuble cette inscription d’un sens nouveau, il m’est alors possible de m’y plonger comme cela avait été le cas avec le livre de Vizinczey intitulé Eloge des femmes mûres. Mais mon expérience quotidienne au Service Achat Occasion me montre toute la synchronicité des rencontres littéraires a priori fortuites. Ces rencontres alimentent la plupart de mes lectures. D’ailleurs bien souvent, ces livres sont les perdants de l’histoire de l’édition, oubliés, dévalués, les libraires n’en veulent plus parce qu’à un moment de leur histoire, les lecteurs les ont boudé, où même plus simplement ignoré. Les exemples sont légions, mais régulièrement au coeur de ces flux de livres, se trouve une perle rare. C’est ainsi qu’à Marseille j’ai découvert L’économique et le vivant de René Passet, ou plus récemment le livre d’Odile Vaudelle, Odile, la femme à Choron. C’est ainsi que les merveilleux textes de Manuel de Dieguez ne se rencontrent plus dans les fonds de librairie, et que l’oeuvre de Ludovic de Gaigneron n’a pas été rééditée depuis les années 50, idem pour le travail autobiographique passionnant de Jeanne Ancelet-Hustache, traductrice de maître Eckhart, ou les romans de Mario Meunier.

La nouveauté est comme toute l’histoire éditoriale qui se déroule quotidiennement sous mes yeux d’acheteurs d’occasion: elle est faite de textes essentiels rarement, de grands textes parfois, et d’une multitude de livres dévalués qui un jour, pour certains ont rencontré un succès, et pour beaucoup d’autres, un oubli presque instantané. A la faveur de ce qui se manifeste spontanément au coeur de mon expérience quotidienne, vient se loger parfois un trésor que je reconnais mais qui curieusement ne prend de valeur qu’à mes yeux. Le travail sur l’occasion réintroduit la richesse d’un fond que la pression de la nouveauté tendrait à effacer si l’on n’y prenait garde. Il réintroduit au coeur de la mémoire oublieuse des libraires, toute la fraîcheur des livres anciens que l’on me propose. Il dépoussière notre regard habitué au traitement de la nouveauté, et, avec une audace anarchique, vient enrichir l’offre des livres qui orne nos étagères. Il permet enfin au libraire de se faire un peu “éditeur de circonstance” en offrant à un auteur, le temps d’une rencontre, la possibilité de voir son texte connaître un réseau de diffusion élargie.

Jeudi, mars 11th, 2010 | Author: Pierre

Je viens de terminer le livre de Jacqueline Madeleine, “Mado” pour les personnes qui la connaissent, livre auquel Hélène Levra a également participé en se chargeant “de ma mise en mots et en pages” du cahier de brouillon dans lequel étaient consignés tous les récits qui émaillent cette biographie. Ce livre écrit à quatre mains, m’a été présenté par Anne-Marie, propriétaire et voisine de la maison que nous habitons avec ma famille. Mes enfants étant scolarisés à l’école St Martin pour laquelle “Mado” souhaite reverser une partie du bénéfice des ventes de son livre, et ma profession de libraire aidant, Anne-Marie a eu la gentillesse hier de me prêter son exemplaire des Mémoires de Mado que j’ai lu d’une seule traite aujourd’hui dans le train. J’ai écris ce court texte ce soir dans le train qui me ramène à la maison pour remercier Mado (et Hélène) des moments que j’ai passé avec elle.

Un livre publié à compte dauteur

Un livre publié à compte d'auteur achevé d'imprimer en décembre 2009

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