Odile la rieuse est partie en 1985. Avec les fous-rires qu’elle a suscité, il était difficile de s’imaginer la voir partir si jeune. J’ai évoqué son livre, Moi Odile, la femme à Choron, dans un précédent article, livre aujourd’hui oublié ayant pourtant suscité plusieurs commentaires, soit de ma famille ou d’amis, soit de journalistes qui préparaient un hommage à Michèle Bernier. Je viens de voir que cet hommage sera diffusé le 10 avril prochain dans l’émission “L’aventure inattendue” présentée par Patrick Sabatier.

Michèle Bernier, enfant
Et puis Sylvia, la seconde compagne du professeur Choron, m’a écrit un commentaire pour exprimer une partie de la souffrance qui l’envahit depuis la disparition de son amour en janvier 2005. Aujourd’hui, alors que beaucoup de personnes se réclament de l’influence du professeur Choron, le rôle de Sylvia demeure ignoré. Elle a pourtant vécu 20 ans avec lui, en l’accompagnant dans sa tentative de poursuivre l’aventure du colportage de journaux libres et indépendants, affichant la dérision et la provocation. Mais les temps ont changé depuis les années 60 et 70. Sans doute est-il plus dur au cours des années 90 de faire vivre un journal comme La Mouise alors qu’en apparence il semblerait plus facile de nos jours d’exprimer librement toutes les opinions. Sans doute avons nous aussi intériorisé un contrôle plus important de nos pensées. En réalité nous ne sommes pas plus libres de nous exprimer parce qu’aujourd’hui nous sécrétons de l’inquiétude. Et je crois que cette émotion inhibe notre capacité à rire et à nous émerveiller pleinement.
Sylvia a accompagné fidèlement Choron jusqu’à sa dernière toilette pour laquelle, amoureusement, elle l’a habillé de son costume de scène comme en témoigne Delfeil de Ton dans son article “Un hors la loi grandiose” paru dans le Nouvel Observateur du 13 janvier 2005. Les mots de Delteil de Ton, encore tout humide des larmes qu’il a versé à la disparition d’un ami, d’un maître ou tout au moins d’un exemple, imprime toute l’admiration qu’il éprouvait pour ce professeur qui apprend à “désapprendre”: “Choron est né pauvre. Il est mort pauvre. Il a vécu comme un riche. Somptueux, généreux, honnête. Qu’ils aillent prétendre le contraire, les Mozarts qu’il a couvés, à qui il a donné des ailes. Vous connaissez beaucoup de patrons à qui il est arrivé d’habiter dans une cave pendant que ses anciens employés pétaient dans la soie et dans de beaux appartements?”. more…