L’approche bio-économique met l’accent sur le fait que l’homme se retrouve gérant d’un patrimoine naturel qui doit être convenablement administré. On peut sans paradoxe affirmer que tous les biens, utiles ou non, rares ou non, reproductibles ou pas, sont des biens économiques. L’économie doit donc retrouver la logique du milieu naturel dans lequel elle s’insère.
La vie peut être appréhendée comme un double mouvement
- de lutte contre l’entropie (c’est la seconde loi de la thermodynamique)
- et d’évolution complexifiante.
L’économie appartient à ce double mouvement. La lutte contre l’entropie, première caractéristique de la vie, passe par la structuration de l’énergie par de l’information. L’organisme vivant, pour ne pas tomber sous le coup de la seconde loi de la thermodynamique, puise de l’énergie dans son milieu: les végétaux captent l’énergie solaire. Cette captation leur permet de lier ensemble de petites molécules pour en faire de plus grosses. Ce sont ces grosses molécules qui se déplacent ensuite le long de la chaîne alimentaire et libérant une partie de l’énergie qu’elles contiennent. Les organismes vivants structurent cette énergie par de l’information en la soumettant à une intense activité chimique. Il faut entendre ici information dans son sens étymologique, c’est une «mise en forme». Il existe différents types d’information:
- l’information-structure qui vient d’être défini: c’est la «mise en forme» de l’énergie, elle mesure le degré de structuration d’un système, sa complexité ;
- l’information-message est générée par le système vivant qui transmet par son intermédiaire des indications sur son état et ses besoins. Cette information peut être signifiante ou pas.
- enfin l’information structurante modifie la structure d’un système.
Ainsi Paul Watzlawick de l’école de Palo Alto a pu définir le milieu comme un ensemble d’instructions concernant l’existence de l’organisme. Les systèmes vivants se réorganisent et s’autorégulent en permanence grâce aux informations qu’ils reçoivent du milieu et à celles qu’ils véhiculent.
La thermodynamique classique, formalisée par des mathématiques linéaires, n’étaient pas en mesure d’appréhender la vie et le phénomène de néguentropie qu’elle manifeste. C’est Ilya Prigogine qui a découvert une thermodynamique nouvelle (formalisée par des mathématiques non-linéaires), qui s’occupe des phénomènes irréversibles. Erwin Schrödinger avait déjà montré qu’un système ouvert peut maintenir sa structure grâce à des emprunts d’énergie ou de matière effectués à l’extérieur.
Ce que nous enseigne la thermodynamique des phénomènes irréversibles, c’est que :
- un système qui reçoit moins d’énergie que sa production d’entropie se désorganise ;
- il faut qu’il en récupère au moins autant pour maintenir sa structure ;
- s’il en reçoit plus, il est en mesure d’évoluer vers un état plus complexe.
Ce mouvement de complexification n’est pas l’apanage du vivant, en effet Ilya Prigogine et sa théorie des structures dissipatives, montre qu’un apport énergétique organise la matière inanimée en structures cohérentes. Cette complexification de la matière traverse une certain nombre de seuil, de l’inanimé au vivant, et du vivant au conscient, du conscient au conscient replié sur lui-même. La vie est l’aventure de la matière parvenue à un certain niveau de complexité. Dans ce mouvement général, le comportement tient une place très importante. A l’échelle humaine, la transformation que l’homme opère sur le monde implique aussi sa propre transformation.
Les propos de Nausicaä peuvent sembler bien éloignés de ce que j’ai expliqué en préambule. Mais ce n’est qu’une illusion de langage. Nausicaä incorpore consciemment toute compréhension, ce qui signifie qu’elle vit toute compréhension: elle habite les raisonnements qu’elle tient, ils forment sa demeure. Son langage ne prenant pas la distance qu’il convient au discours scientifique, elle apparaît davantage comme une «mystique» plutôt qu’une personne investit de l’autorité de la science. Mais soyons attentif à ne point être trop exclusif, parce qu’après tout, n’est-ce point à l’incorporation de notre compréhension que nous offrons spontanément notre adhésion? Ce n’est pas à la beauté ou à l’ingéniosité d’un raisonnement que nous donnons notre confiance, mais à la propension d’une expérience à nous toucher en profondeur. Nausicaä parle de la voie de l’intégration. Pour revenir à un discours plus conventionnel, je vous parlerai, en suivant une fois de plus les analyses de René Passet, des catégories de l’être et de l’avoir, ainsi que du rationnel et du relationnel qui forment une nouvelle compréhension des comportements économiques dans cette approche bio-économique.